Indiscretions et mutineries

version 2 ~golden hour

mars 3, 2012
par myel
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8. Sur une falaise de glace en pleine hibernation

Fallait fermer les yeux pour voir tomber la neige, sentir les flocons se déposer sur les cils, et scintiller avant de fondre en larmes…

«  Ne vous lassez-vous pas que je triture, tes paupières délicates avec mon aiguille grossière… ?

– Oh non ! Continue magicien ! C’est une jolie douleur, continuez, continuez… »
*

Trois jours avant Noël je m’étais éveillée, d’un sommeil lourd comme un coma, comme une mise en parenthèses. Dans mon appart-igloo le journal annonçait l’hiver alors j’ai fait un feu. Et me suis recouchée, un peu trop fort et j’ai loupé Noël.

Je n’ai rien entendu, mais pendant cette absence, de conscience, un chêne est entré sans frapper, s’est implanté devant mon âtre, et y a trempé plusieurs fois le bout de ses branchages. Je n’ai pas vraiment su s’il prenait soin de moi, ou s’il avait aussi froid. Comme il ne parlait pas mais semblait écouter, je fus ravie de l’adopter.
*

Trois jours après Noël je m’étais éveillée, d’un sommeil étranger de rêves hormis celui d’un ours, qui lui aussi se reposait. C’est dire comme j’étais vive, quand j’ai téléphoné au premier qui viendrait, rattraper cet écart et près de moi réveillonner. Dans un état un poil plus avancé j’aurais adressé une invitation même à la reine des neiges. Je doute fort qu’elle m’eût répondu.

Trois heures après l’appel, les yeux immenses-ouverts, j’ai joué la dame blanche pour assortir avec les murs, la robe, les fleurs, et les dessous compris. Et qu’avec mon ami nous ne soyons ce soir, rien d’autre que des enfants sages.

Mon seul caprice, c’est son massage magique de mes globes oculaires. Il pourrait ne me gâter que de ça, toute la nuit ; j’y vois des étincelles, oui mais blanches à pleurer…
*

« N’es-tu jamais nostalgique de moments avant même qu’ils n’aient pu exister ?, lui demandais-je avant de rouvrir les yeux dans ses mains.

– De la, mélancolie anticipée…? Je ne crois pas. Pourquoi ?

– Eh bien… quand je pense à demain, je vois de belles amours, des aventures tonitruantes, et des peines désirables comme elles font avancer, trembler la permanence… Puis j’ai cette amertume, cette vague envahissante qui me souffle “ah… ce sera si bien en ce prochain matin…” et j’oublie de vivre aujourd’hui, tellement j’attends demain, et plus j’y pense et plus j’ai le cafard, et plus chaque jour est noir alors qu’il aurait dû être le demain éclatant de mes espoirs d’hier… Comment sortir de ce brouillard dans l’espace-temps ? »

Mon interlocuteur était interloqué. Je connaissais la vérité, il n’avait ni n’y avait pas de formule magique pour guérir cette méconscience du présent. J’angoissais qu’il n’affirme une banalité de la famille des “il faut voir les petits bonheurs du quotidien” ou “chaque pas vers un but te construit”. Je m’ennuyais d’avance, ce qui était aussi possible, oui oui, mais j’avais tant confiance en mon bel ami pour saisir l’instant et m’y éclairer.

« Ferme à nouveau les yeux et laisse moi parcourir ton corps avec une courte histoire. Sais-tu que j’ai connu ce chêne avant qu’il ne se déracine ? »

J’ai répondu que non, que oui, enfin dans l’ordre inverse et me suis étendue tandis, que la neige tombait à nouveau mais jusqu’aux pieds de ma longue robe, tout près du feu j’avais plus peur de me dissoudre.

« C’était un soir de mai, je jouais mon spectacle en plein air devant un parterre de violettes mais surtout d’écoliers, et de parents distraits. Multiplication des crayons et des bonbons, disparition-réapparition d’un bambin, hypnose sur les mamans… J’appliquais à la lettre les principes bien rodés d’un succès de kermesse, quand, quelque peu frustré, j’eus l’idée d’un final plus exaltant. Elle n’est pas venue seule, l’idée, c’est le chêne qui me l’a soufflée, quand ses branches lors d’un courant d’air se plièrent plus que de raison. Sa souplesse m’apparut vivante, volontaire, comme criant « Sors moi de là, je n’en peux plus des braillements de cour de récré, emmène-moi voir le monde, entier ! ».

Pas un instant je n’ai douté : pas en installant mes cloisons truquées autour de son grand tronc, pas en enveloppant ses branches mouvantes dans un immense rideau magique, pas en annonçant à la foule que j’allais faire disparaître leur emblème, pas en glissant à mon complice une dernière recommandation : « File m’attendre près de mon carrosse, mais trouve en route un compagnon qui rêve de prendre ta place ! ». La directrice d’école fut la plus ébahie quand, abracadabra et le rideau tomba, révélant l’emplacement terre-à-vif des racines profanées. Dans les yeux de huit fillettes je vis de la peine et l’image d’une ronde vénérant la nature avec des chants naïfs, comment allaient-elles perpétuer leur rituel sans l’arbre-empereur de la cour ?

Là, j’aurais pu douter. En restaurant l’habitacle du chêne envolé, j’espérais presque autant qu’elles-huit, voir surgir par la trappe secrète un représentant ressemblant de l’espèce à laquelle j’avais aveuglément accordé ma confiance. Abracadabra bis. Il n’était pas bien droit, ses branches semblaient plus raides, et j’entendais encore le grondement des racines prenant lit sous la scène, et sous les violettes. Personne ne vit le subterfuge, car un chêne est un chêne pour une maîtresse d’école. Qui irait croire qu’on pouvait, vraiment, échanger des êtres immobiles ?

Je l’avais échappée bien belle. Et ce filou aussi. Ce garnement boisé qui par la suite, donna à mes côtés quelques démonstrations, pour me remercier avant de prendre le large, la route, l’espace, les voyages…  Et je le reconnais, à ses branchages même après des années, je sais qu’il m’a parfois suivi de loin et ça me touche, ce soir, qu’il post-réveillonne avec nous… »
*

Je lisais un soupir dans la manière dont l’aiguille s’enfonçait, avec plus de douceur qu’à son accoutumée. Et à l’air qui me chatouillait les pieds. J’ouvris les yeux pour interrompre le silence qui suivait depuis près d’une minute le sourire d’avant le soupir.

« Crois-tu qu’il nous comprend ? Qu’est-il venu faire ici d’après toi ? Il ne pouvait pas savoir que tu serais là : il s’est installé pendant mon sommeil, avant que je n’aie eu l’idée de te convier…

– Je pense qu’il n’est pas là pour moi, il a ressenti ta demande, ton manque de s’échapper, il a vu pousser tes racines… Je pense qu’il est venu t’en arracher, te montrer que c’est possible et autorisé, comme je le lui ai permis ce dimanche de mai. Il ne nous comprend pas à chaque instant donné, mais dans l’ensemble je crois qu’il sait, qu’il nous sait. »
*

Sans trop se redresser, on s’est alors glissés au creux de son écorce qui formait telle une grotte, un joli sanctuaire douillet où s’échanger, nos présents emballés, enrubannés de soie pailletée. Qui suffisait à nous y éclairer.

Aucun de nous n’avait anticipé cette soirée, chacun avait donc compté sur la chance, pour cueillir et confectionner en chemin ou sans sortir d’ici, une attention spéciale. Je confiais à mon magicien un costume de théâtre hérité d’un membre inconnu de ma famille, inconnu que de moi et que de son vivant, car j’avais découvert qu’il eut quelques succès, sans jamais nous les partager. Il était à sa taille et je l’imaginais habillant mon ami de son velours bleu nuit dans un numéro d’illusion électrique avec des étoiles. J’avais aussi confectionné, de fil d’étain un porte-clefs enrobé de serpents à enrouler chacun autour d’une clef pour la garder, serprécieusement.

Pendant qu’il me contait d’une main son histoire printanière, j’avais les yeux fermés et lui il envoûtait une paire de lunettes adjointe d’aiguillettes nommée modestement « binocles à flocons ». Une notice abrégée précisait « à user sans modération surtout les dernières nuits d’été, et quand les hivers manquent de glace ; les picoteuses ont été habillées d’un nuage de coton pour ne pas vous blesser ». Dans un second paquet je découvris une rose rouge à souhaits.

« Tu as le droit d’en faire un par pétale, et si tu prends soin d’elle, il est possible qu’elle se renouvèle… Tu aimes ?

– Je suis ravie, conquise, réenchantée… Mais…

– Ne t’inquiète pas, mes doigts de fées ne laisseront pas ce soir la place à ce jouet. J’aime aussi ta gorgone maîtresse des clefs, tu viendras me voir jouer quand j’aurai trouvé le meilleur tour où faire apparaître cet habit de velours ? »

Les yeux clignotant je promis, de m’arracher à mes racines jusqu’à un fauteuil rouge, promis prochainement, mais ce soir je n’ai pas encore assez dormi. Dans ses bras, sous son sourire d’enfant et sous son regard tendre, dans le ventre du chêne, je m’assoupis pour la dernière fois. Sur le premier pétale rouge qui tomba au même instant que mes paupières était gravé : « Mon premier souhait sera, qu’à compter de lundi jusqu’à supplier le contraire, j’arrêterai de dormir. »

mars 1, 2012
par myel
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Déguisement d’image #1

Au milieu de la nuit -mon milieu de nuit ou le vôtre, peu importe j’ai oublié l’heure, jusque que c’était entre mon rêve de Boris Vian luttant contre la mort et celui où je conduisais une voiture qui se muait en trottinette quand on roulait doucement, scooter à mi-allure, j’ai pas testé si elle faisait fusée quand on passait la sixième.

Au milieu de la nuit, j’ai eu l’idée de jouer avec des images, un peu façon “Dessinons la mode” ou comme ces personnages découpés en papier avec les vêtements qui s’attachent en pliant les encoches, vous voyez ? L’idée qu’après tout, si je galère à dessiner parfaitement les proportions, suffit de prendre des photos elles seront forcément correctes… L’idée que ça pourrait rendre joli de mélanger les deux, de déguiser des photos en dessin, sans chercher à faire vrai, juste pour voir…

Voilà donc le premier essai : l’image originale, puis l’image “déguisée”.

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février 28, 2012
par myel
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6. Sur un drap brodé de carreaux rouges et blancs

Le pique-nique est un rêve, un vrai, poursuivi en pointillés du semi-conscient. Il s’est déroulé dans un parc au bord d’un pont, et en même temps dans un joli appartement duplex, avec ses fins multiples mais toutes sensuelles, ses personnages plus ou moins consistants, son goût de bulles volages et de sucreries pâtissées, sur un fond de guitare classique dérangée dans le coffre. Le pique-nique est une expérience involontaire qu’il vaut mieux censurer.

février 28, 2012
par myel
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7. Dans le placard fermé du laboratoire déployé

« Magicien, magicien, vois-tu quelque chose dans ce noir ? N’as-tu pas un vieux sort d’illuminé à nous montrer, le bout de ta baguette pourrait-il scintiller ?

– C’est intime et puissant jeune fille, de faire exploser la lumière à partir du néant… De révéler, le grand jour aux regards. Voici un clair de lune, contente-toi de ses reflets, moi j’ai les yeux perçants.

– Je sais, mais pas encore assez pour mes plus grands secrets… »

Je n’avais pas lancé cette attaque pour le contrarier, ni pour lui donner envie de me questionner. J’avais juste envie de le voir, depuis des jours entiers il n’y avait plus que des nuits par ici, je savais que nous n’étions pas si loin mais un trou noir, avait tout envahi.

J’entendais les voix d’autres figurines murmurer, que nous n’étions que les pions d’un vaste projet, en ces moments soigneusement rangés, comme de vulgaires ingrédients d’expériences psychonarcodélirodésirosentiscientifiqu’mentales… Je ne savais plus vers qui croire. Plus rien n’existait, que le noir.

Je souriais au fait que les voix persistaient, avec le croissant qu’il venait de déposer, façon étoile de mille bergers je savais désormais, où le rejoindre. Espérant ne pas me faire prendre, au piège par d’autres sortilèges, je longeai la planche où je reposais, contournai des flacons de pavés, de flocons, de potions à bulles et de poudre volante. Presque perdue je fis une pause face à deux néons de Noël.

Il s’avança vers moi, saisit mes doigts d’hiver de ses mains enchantées et le décor changea, nous transporta sur un autre plancher. Plus grand que nous se tenait un livret, avec des recettes, des incantations, des thèmes et des notes en vrac. Pas un instant je ne soupçonnai mon ami retrouvé d’être l’auteur du manuscrit : ses yeux s’ouvraient grands comme jamais tant il était surpris.

Nous découvrîmes que nous étions imaginaires, phantasmes, mais autonomes. Ainsi nos pensées s’écrivaient à la suite des péripéties que nous avions vécues, parallèlement à d’autres habitants du… laboratoire, le tout écrit à l’encre malégique.

« Alors nous sommes… prisonniers libres ? Virtuels mais capables de créer les mondes les plus audacieux ? Nous ne risquons pas de… mourir sauf si nous l’écrivons ? Oh et regarde, je suis même narratrice ! Vous m’écoutez diablotin ?

– Parfait ! Génial ! Alors vous êtes autant magicienne que moi ?! Hmm… Je m’en doutais…

– Sois pas vexé, tu restes un plus habile sorcier. Allez, on dessine de nouveaux alentours ? Sans contraintes, chaînes, limites, borderies ni barrières en chemins de fer…

– Et sans vêtements ? »

Même conscient de son inconsistance, le magicien demeurait avant tout un homme… J’ai dit qu’on les ferait tomber au fur et à mesure qu’on construirait, les murs diaphanes autour d’un pétillant jardin secret. Imaginez à quelle vitesse il s’est fait maçon de l’inconstant ; assemblant les briques de lumière abritant des regards, montant un escalier pour atteindre mon cou… Il inventa un toboggan pour faire glisser ma jupe, tailla des branchages emmêlés clic-clac au passage ont sauté les boutons de mon chemisier. J’ai moi-même ôté les bottines qui enrobaient mes pieds pour tremper ces derniers, dans le bassin bouillonnant chatouilleur, presque brûlant qu’il venait d’achever.

En dessous de satin, calmant sa frénésie, je choisis d’interrompre son ouvrage. C’était injuste de ne pas en profiter aussi pour découvrir un peu de lui. Quelques promesses suffirent à décrocher, son manteau bien porté, son pantalon chauffant et sa chemise griffée.

J’avais eu peur qu’il ne perde, sa superbe en même temps que son habit, mais c’était me tromper sur toutes les lignes : plus j’apercevais de mes doigts sa peau surprise des étincelles qu’en nouvelle amante j’y posais, et plus il souriait, de sa bouche mais de ses yeux aussi. Et plus ses yeux et son sourire brillaient, et plus dominants et luisants ils devenaient, plus je me laissais faire, couvrir de baisers, de morsures, d’entailles dorsales et de tant de, brûlures infernalement bien placées.

Ma conscience revenait de temps à autre, occasions de réaliser que je ne rêvais pas, que nous étions ici dans un espace-temps qui n’existait pas, mais bien conscients du désir enflammé qui, là, nous animait.

Est-il nécessaire de vous raconter la suite ? Il avait aménagé une chambre en plein air afin que s’évapore le tissu qui restait… Nous y restâmes des heures, interminables, car le crépuscule n’en finissait pas, devenant l’aube, puis tombant à nouveau. Il avait aboli le jour et la nuit afin que nos jeux tendres, sensuels,  clandestins voire pervers,  baignent dans la plus belle lumière.

« J’entends des bruits, venant d’au-delà de nos barricades ! Tu crois qu’on aurait éveillé… la colère d’une laborantine ? Qu’on sera punis pour avoir défié sa non-surveillance ?

– Vu comme tu cries quand tu jouis, m’étonnerait pas que sa curiosité l’amène à venir voir, les plaisirs qu’on mijote… Fige-toi, la porte tremble ! »

C’est ainsi que j’ai retrouvé, mes personnages fétiches enlacés sur de l’ouate, entourés de miroirs, de dentelaire et mousse sauvages… Pieds, mains, taille et seins enliés d’un étrange cordage de soie. J’ai lu dans mon carnet d’aventures l’aventure qui les avait amenés là, sans agacement, au contraire, il fallait le vouloir très fort pour s’éveiller dans un placard et bâtir, un si joli écrin. Par mesure d’équité je les ai laissé reposer ainsi nus quelques heures, avant, par mesure de principe scientifique d’effacer de leur mémoire collective cette échappée belle qui n’eût pas eu lieu d’être inventée.

Rodrigue au Théâtre de Denain

février 26, 2012
par myel
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Une faille dans l’espace-temps-réalité

En introduction il y a, mes talons presque plats mais bruyants qui claquent claquent les pavés de cette ville nouvelle. Denain, valait bien ce soir le détour proposé par Rodrigue, de Paris-Lille vers l’Entre-Mondes. En introduction il y a, ma fin d’après-midi riche en solutions praticotechnologiques, mais ennuyante à souhait pour qui n’y a pas d’intérêt. Ellipse.

Ce théâtre est un lieu magique. A peine entrée, le regard attiré de tous côtés, j’eus envie d’y installer un nid pour m’y oublier… Un fauteuil rouge et moelleux, enrobé de la douce voix d’Émilie fera bon office de repaire. L’attente avait déjà le goût du live : à déguster avec les yeux et les oreilles, à ressentir profondément, tout en murmurant les paroles “and lose my heart on the burning sands, now I wanna be your dog, now…”

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Le big show fut délicieux, différent de l’Aéronef par les effets du lieu, mais terriblement… oui mes épithètes sont culinaires… savoureux. J’ai voyagé, songé, ri et souri, oscillé, tremblé, sautillé comme une puce malgré le sol bancal, et me serais même laissée égarer, submerger, par les vibrations insistantes créant des attractions, de la scène au public, du public à la scène. J’étais enchantée de retrouver les décors et les comédiens, musiciens, artistes multigéniaux devrait-on dire : non mais où trouve-t-on un pianiste-chef-d’orchestre-arrangeur-je-ne-sais-quoi-encore à part dans l’Entre-Mondes ? Clémentine est toujours aussi démente, dansante, pétillante… L’indien nous achève en fumée brûlante… Je n’oublie pas les autres mais d’en faire la liste… Et bien que je préférais l’ancienne Miss Lady Flapper, je choisis toujours l’Ange (et ses cheveux de feu) plutôt que le Démon.

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Le concert terminé j’avais pris pour nid le théâtre entier. J’ai apprécié les instants flottants à juste “être là”, photographier la salle alors qu’elle se vidait, saisir dans le hall des discussions enflammées sur l’expérience fraîchement partagée, être là, c’est parfaitement ça. Dans mon habit de souris ( une vraie timide, si si) j’étais ravie de ce temps libre, où les ressentis s’expriment en deux mots deux sourires. De ce temps que j’aurais voulu figer, pour ne plus quitter ce doux cocon à l’italienne, mais qui fila bien vite. En un clin d’oeil j’y étais presque seule et presqu’enfermée, le nid devenu piège ! J’ai dû m’en échapper comme une vraie souris, maladroite et indiscrète mais z’il fallait bien en sortir.

Je n’leur ai pas tout dit. A ces artistes fous. Car je sais tellement le plaisir, à poser mille mots par ici et par là en rentrant. Car à l’oral je suis si malhabile. Je n’leur ai pas tout dit mais je le dis à tous, ce fut une soirée fascinante.

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En conclusion il y a eu mes talons presque plats mais bruyants qui résonnaient sacrément fort dans les rues de Denain. Les gens d’ici qui disent “Bonjour Madame” à une heure du matin, ou “Bonsoir Madame, vous sortez ?” Non non, je rentre,… enfin je suis encore ailleurs, entre deux mondes, près de cet espace où s’agitent et se vivent les rêves…

février 23, 2012
par myel
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5. Sur l’étagère où dormaient trop de potions

Avez-vous déjà tenté d’avoir un dialogue entendu avec un petit verre d’absinthe ? Moi non plus. Jusqu’à aujourd’hui, alors que celui-ci m’adressa la question : « Pourquoi ne veux-tu pas de moi ? ».

Il fallait bien qu’un jour je me la verse, celle-là, dans les expériences somnifiantes, pour la trouver moins abrupte la prochaine fois, qu’un inconnu (ou un indien passant par là, les deux n’étant pas incompatibles) me la posera.

« J’ai diverses et variables raisons de ne pas poser mes lèvres au bord du premier verre d’alcool venu. Raisons physiques, irrationnelles ou sanglotiques. La première ressemble au goût amer qu’ont les légumes verts pour les enfants : la saveur me fait grimacer, comme le café, et si mon palais n’accorde pas sa bénédiction, c’est qu’elle est nocive pour mon corps ; de là découle la deuxième, objective : j’ai l’éliminateur de toxines fragile, le filtre à particules finement fermentées sensible. Bref pour lancer une crise de foie, c’est écrit ainsi dans mon code physique, il suffirait de me gaver de plus d’un verre à chaque soirée.

– Oui mais un seul, un seul, non ?

– Pourquoi pas, si tu me trouves un goût qui passe. Ou que la paille m’est prêtée avec grand sourire. Mais pas plus d’un.

– Tu as la tête qui tourne facile ?

– Pire que ça, la première gorgée brûle mon manque d’habitude et si à peine je continue, tu pourrais me faire avouer tous les vices… Je ne peux pas perdre la face ainsi devant n’importe qui… Et quand je sens l’espace d’un temps, que j’ai le droit d’être qui je veux, je préfère dérégler le contrôle par d’autres moyens, plus insidieux.

– D’autres substances plus puissantes que moi ?

– Mais non bêta, les sentiments ! L’ivresse des sentiments ! Se laisser être adolescent, les yeux brillants d’émotions incontrôlables et de soupirs sans conditions. C’est quand même autre chose ! J’ai même noté que les nuits dans des draps blancs, complets ou même juste décousus, retirent aussi la gravité, c’est ainsi qu’on tombe amoureux. Déséquilibrés, mais pas de n’importe qui comme avec toi…

– Tu mens, ou tu veux me vexer. De moi on ne fait qu’une bouchée et toi tu fais celle qui convoite l’ivresse permanente du sommeil et de la passion ? Peste. Tu caches quelque chose d’autre, dont tu as peur je le sens bien.

– Quel mauvais mais fin psychologue tu fais… Je comprends que ceux qui croisent ta route s’enflamment si tu leur parles ainsi avec des baguettes pour les embrocher. Je vais te confier un secret avant de t’avaler… J’ai vu des choses que je n’oublierai pas de sitôt, un homme ensorcelé par tes compatriotes lancer, des couteaux de cuisine dans un coucher de soleil, briser des vitres en mille éclats, j’ai entendu les cris de sa femme quand il l’a prise à la gorge, j’ai ressenti l’angoisse blottie la nôtre verrouillée en entendant claquer les portes ; j’en ai vu d’autres encore, risquant plus que leur propre vie en conduisant les yeux fermés, mentant à leurs amantes, se ruinant pour oublier qu’ils n’ont déjà plus rien, et les enfants qui pleurent. Ecoute bien petit verre, range tes airs innocents : c’est là le pire dans cette histoire vraie, quand les enfants ont peur. »

J’ai déposé le responsable, en me faufilant comme l’éclair hors du laboratoire où la scène avait pris place, jusqu’au comptoir voisin. J’aurais pu le descendre et oublier, mais j’étais curieuse de savoir ce qu’il allait conter au prochain qui le brandirait.

Le malheur fit qu’un ivrogne prit place, sur le tabouret tanguant face à mon confident, et d’un coup de coude bien senti, le fit valser, pencher, chuter et déversant mes espoirs confondus à ses pieds instables, exploser.