C’est un réflexe, rassurant, quand je ne sais plus où aller je fais des listes, automatiques. Quand je ne sais plus ce que j’aime, ce que je veux, je range des mots dans des cases vertes et rouges, parfois même j’hésite et je les mets dans les deux, parfois même je me trompe. Mais ça fait quelque chose où s’accrocher.
Cette liste risque d’être aussi longue que je suis perdue.
Image d’Adam Raasalhague
J’aime les cartes, je l’ai dit sans réfléchir tout à l’heure et c’était vrai. J’aime lire les index des cartes. Tous les noms des rues de ma ville. Toutes les villes et villages de la carte de France dans la voiture sur la route des vacances. J’aime être étonnée de ces noms, jouer à les associer, à les retenir. J’aime les panneaux, les tracés des lignes de métro, de bus, de tramway, je lis le nom de toutes les stations quand je monte jusqu’à les connaître par coeur, même si je les connais par coeur, surtout si je les connais par coeur. C’est rassurant de savoir la réalité inscrite autour de mes états instables.
J’aime la lumière de l’aube et celle du crépuscule, j’aime les soirées d’été quand cette lumière dure très longtemps. J’aime m’asseoir sur le dernier coin de soleil d’une pièce, d’un parc. Je ne supporte pas la pression avant l’orage, et les températures au-dessus de vingt-cinq. Avec ma soeur petites dans le jardin, on remplissait des caisses en plastique d’un fond d’eau fraîche ça faisait des piscines pour pieds. J’aime encore à le faire dans une bassine sur le parquet, sans déborder juste pour souffler quand l’air devient trop chaud.
J’aime dégrossir les choses, avoir une idée puis la développer, partir dans tous les sens et dans tous les élans de créativité, préparer, bâtir des plans détaillés d’inspirations plus ou moins sérieuses, creuser. J’aime les détails, centrer les choses au pixel près, choisir la couleur idéale pendant des heures. J’aime le moment, la bascule où les choses deviennent claires et apparaissent telles que je les avaient souhaitées sans le savoir. Je n’aime pas les étapes intermédiaires, surtout quand elles impliquent d’y impliquer d’autres personnes. Mais j’aime me dédoubler quand je rédige le contenu d’un dossier, d’une dissertation : un mode automatique pour écrire, un oeil ravi de voir les choses se faire d’elles-mêmes. C’est transposable à de nombreuses activités. Je n’aime pas mettre le point final sans le sentiment qui l’accompagne.
J’aime relever les coïncidences, les choses insignifiantes qui deviennent importantes quand elles semblent liées. Quand la vie raconte une histoire.
J’aime le son du piano. Moins le son synthétique sortant du casque branché au clavier. Quand j’avais un vrai piano j’adorais, tenir enfoncée la pédale celle qui prolonge les notes quand je faisais mes gammes jusqu’à m’envelopper dans un brouillard sonore. C’est un peu ce que je fais quand j’en écris des tonnes sans but.
J’aime quand après quelques films ou épisodes de séries en version originale, mes pensées jonglent entre les langues. I need a project. J’aime rêver dans d’autres langues, j’aime rêver avec des mots et du texte, j’aime surtout me souvenir d’une formule précise sortie d’un rêve. Je suis persuadée que les rêves lucides valent mieux qu’une psychanalyse. Les blogs aussi.
J’aime travailler pour les gens qui savent ce qu’ils veulent. Ou qui n’en savent tellement rien qu’ils me laisseront libre. J’aime les tâches qui paraissent insurmontables, disproportionner l’objectif et les moyens, m’attacher aux détails sans voir le fond. J’aime pas donner des exemples pour toutes mes manies. J’aime quand les idées naissent d’une discussion déraisonnée.
J’aime la nuit. Les villes la nuit, les aires d’autoroutes la nuit, les abords des villages les nuits d’été, les plages la nuit, les trains de nuit, écrire la nuit.
J’aime le thé à la menthe. Les desserts au café. J’aime pas faire des listes en colonnes. J’aime l’odeur du bois pyrogravé. Je n’aime pas qu’on soit dans mon dos. Sauf quand je tourne le dos. J’aime prendre les problèmes à l’envers, je n’aime pas qu’on observe mon mode de faire. Ça angoisse à long terme ma liberté. J’aime faire des listes en colonnes quand elles sont dans un carnet, ça remplit les lignes bien plus vite. J’aime tout et son contraire.
J’aime les photographies. Elles apaisent mes angoisses à base d’erreurs dans la mémoire. Je n’aime pas regretter les moments non photographiés, quand je n’ose pas prendre les gens en photo, quand je n’ose pas me laisser capturer aussi.
Je n’aime pas tant les listes, car elles n’ont pas de fin, c’est ce qui me plait aussi. S’arrêter non pas quand c’est terminé, mais quand autre chose attire l’attention.
J’aime les idées qui se fraient un chemin, inclassable, entre les listes.
La musique classique détourne, apaise ; sommeillent un moment mes angoisses.