Les mots se sont entichés du silence. Ils ne se laissent plus facilement pêcher dans l’air agité d’ondes, imprévisibles. Faut faire le silence dans ma tête, à défaut du vrai monde. Faudrait plonger le coeur sous l’eau pour qu’il reprenne la plume, du fond. Du coeur ou de l’eau. A défaut d’une piscine je tenterai l’option une.
Faire le vide est un état d’âme. Faire le silence, une escapade.
Inspiration. Concentration. Inspiration. Disparition.
C’est un pays brouillé où je t’emmène, à l’intérieur. On n’anéantit pas les troubles en se clignant, des yeux une demi-heure durant, sinon je ne vous écrirais pas. C’est un travail de longue haleine de ranger mes tiroirs débordants renversés, mais pour le calme environnant les oreilles des passants, je progresse à vue d’oeil. Non. Je plaisante. J’essaie juste d’écrire plus fort que la réalité, pour ne pas l’entendre essayer de démonter la porte.
C’est une caverne en travaux. Ce sont des parpaings démontés, des briquettes par milliers. Je n’aimais pas trop la déco de mon fort intérieur, j’ai voulu retirer un cadre ou deux, les remplacer par une fenêtre sur la lune ascendante. Je n’ai pas tout compris. J’ai fait tomber les murs. C’est un pays en miettes où je t’emmène, je n’y reconnais rien, plus que toi entre les gravas.
Avance un peu par là.
J’ai besoin de ta main, serrant la mienne gelée, me tenant par la taille, maintenant pour ne pas tomber. Ne pas trébucher sur mes restes. Non pas pour me guider car je veux décider quel chemin recréer. Juste vos mains en soutien d’un mirage projeté. D’un ouvrage à réinventer.
J’ai besoin de vos lèvres, aspirant mes esquisses rageuses, étonnant sans compter le fond de mes pensées.
J’ai besoin de ces yeux qui brillent pour y verser, salée cette existence qui veut s’y refléter.
Ici j’avais gardé tes mots, dans les fondations rien n’a résisté.
Je n’ai besoin de rien, je vis très bien sans toi. J’enrage effectivement de voir ce qui me met dans ces états. D’âme effondrée. D’esprit évaporé. J’interroge sur les causes des désastres intrinsèques. Je maudis les raisons des séismes inhérents, à ma nature instable.
Et quand je n’ai personne d’assez lointain pour voir, le vide en son ensemble je me retourne vers toi.
L’angoisse qu’écrit le vide, c’est qu’il ne se fait pas, volontairement, c’est qu’il devance mes actes, double mes doutes. Le vide réduirait mes mots au silence s’ils n’avaient pas pris plaisir à flirter sans un bruit, mes mots et ton silence.