La valise me fait de l’œil, des yeux même, gros comme ça. Susceptible elle a du mal à admettre que pour disparaître plus de trois semaines il faut lui joindre un sac à dos prêté. Rome a cru s’échapper, nous annuler, les plans sont chamboulés mais tout s’imbrique, s’accorde, s’adonne à quelques jours de repos parisien, après Tokyo, avant de revoler. La valise me fait de l’œil, elle a peur de finir en soute, pommée à Moscou mais je la rassure : il ne va rien nous arriver. Ou plutôt, il va tellement tout arriver que rien n’aura l’impact suffisant pour nous abîmer. Le mois de mi-mai-mi-juin s’emporte, hausse le ton, monte d’un cran dans les jeux de la vie en puissance, décolle de mes pupilles les rêves et les scotche à la peau, s’y frôlera le vent soulevant les paupières, d’hier, d’avant, de quand on n’osait pas profiter de la fête. Se frayer une entaille, invoquer la pirouette, voyager dans les failles.
photo Emma Reid