Il y a tout ce qui s’éveille au moment de dormir, ces mots en cascades jaillissant, ces scènes bancales, ces vers et ces rythmes qui m’hypnotisent et me conduisent au terme d’un périple plus ou moins durable aux vrais rêves. Il y a la frustration de les savoir fragiles, de les perdre avec le sommeil, de n’être jamais sûre de renouer le fil au lit du lendemain.
Il y a tout ce qui passe en un éclair au coeur de la journée, pas au moment propice mais en lisant par exemple : l’esprit divague et colle sur un paragraphe une nouvelle histoire, avant de reprendre conscience et quelques lignes plus haut que là où se glissaient mes yeux.
Il y a tout ce qui se vit, et tout n’est pas écrit. Parce qu’il serait malvenu d’étaler trop de sentiments privés, alors on choisit le niveau d’opacité à donner aux mots qui s’impriment. Ou plutôt je ne choisis pas, il y a la page blanche et les mots qui s’installent où bon leur semble ; premier jet, souvent relu, rarement retouché. Tout se transforme en poésie et on oublie les faits, exprès.
Dans tout ceci, ce que je préfère ce sont les cohérences qui se dessinent inconsciemment, qu’on révèle en grattant à peine la surface où les mots se font écho. Comme là écho et cohérence, se répondant sans l’avoir demandé. C’est pas juste joli, les jeux dessinent des labyrinthes de signes aux multiples sorties.
Dans tout ceci, ce qui m’angoisse le plus, c’est tout ce que je n’écris pas, que les ellipses soient choisies ou pas. Je connais bien trop l’inquiétude de la mémoire, ce qui s’oublie trop vite, et ce qu’on enveloppe d’un brouillard pour l’y perdre. Les sottises, les secrets, les colères, les rêveries… Toutes ces possibilités qui s’échappent. Qui s’effacent comme des empreintes sur la neige, avant même qu’elle ne soit tombée.