Indiscretions et mutineries

version 2 ~golden hour

Bribes de décembre #1

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Décembre va s’écrire dans les trains. (TGV Paris-Lille 5/12)

Ceux qui se vident, déversent leurs flots sur le quai, appellent toujours mon oeil curieux, de surprendre un regard connu, une silhouette familière, ou juste d’inventer les histoires de ces passagers qui libèrent la place.

Concentration de treize : voie treize, siège treize, treize heures moins le quart, j’exagère. Je n’ai pas idée du mois à venir, je connais juste, les grandes lignes de décembre : quels trains, quelles dates, mais je n’ai pas idée, de ce qui va se tramer entre elles, des étonnements de fin d’année. Tout semble si calme, ralentit même le TGV, dans la campagne-banlieue parisienne, près des vaches de Sarcelles. Un oiseau brillant à mon cou.

Je n’ai pas envie que la soirée achevant novembre, ne condamne décembre à ressasser les folies de l’automne. Je veux que ce mois-ci aille au-delà. N’avoir plus rien à perdre. Tout gagner, ne rien se refuser, tout offrir.

Mais pas seulement. (Lille, Roubaix, Tourcoing, Hem)

Mon talon réparé en urgence vendredi dernier, n’aura pas tenu les pavés, avant même de les voir il oscillait, tentait de se déraciner. Je n’ai pas vraiment vu la ville, à boiter sur la pointe d’un pied, la jambe concentrée à se frayer une démarche potable, à chercher en vain des chaussures de fortune, la valise à la main, le parapluie dans l’autre, et une compagnonne pour m’accompagner. La Grand’roue sur la Grand’place, les chansons de Noël, les lumières qui brillent les yeux… je me suis tenue éloignée mentalement de cette ambiance de fin d’année qui pourrait me faire frissonner.

Jeudi j’ai déchiré mes coudes en faisant du yoga. Bon pas du vrai yoga, rien de spirituel mais des enchaînements de postures pour s’ouvrir la poitrine (et j’en fais quoi de mes seins autour du genou ?) et se grandir (= lever les bras plus haut que haut). Le lendemain j’avais mon mal de côtes bisannuel, lié à l’absence de sport dans ma vie, qui m’empêche de rire et de tousser deux jours durant, ma petite convalescence, bisannuelle aussi donc.

Le soir c’était concert, en famille élargie. Le même que vendredi mais sans la chaleur du public, sans la dentelle, sans l’audace mais pas sans saveur. El Manos – au Biplan. Guitariste one-man-band à suivre de très près (ce soir avec des guests) – salle-cave déjà marraine d’autres étranges soirées. Fermez les yeux, écoutez cet extrait qui me tient en hypnose.

 

Vendredi shopping de Noël. En solitaire et sous la pluie, alors que toute la nuit on attendait la neige. Les nordistes paniqués dans les boutiques la veille, demain il neige, demain il neige, à s’acheter des bottes comme si le retour de l’hiver était extraordinaire. Rires. Elle était bien là au matin, première de l’année sous mes pieds, trop vite ratatinée. Vendredi shopping bancal. Le bus accidenté qui nous attrape quand même, la pluie qui s’accélère… Étonnée je découvre comme les regards se changent, quand à défaut d’avoir pensé au parapluie, j’enrobai mes cheveux lissés dans mon écharpe, comme un foulard, comme un voile, pour ne pas les tremper. Étonnés les regards quand je le retirai, à l’entrée du centre commercial. Étonnant que si peu marque la différence. Et puis j’ai trouvé des chaussures, des robes à dix euros, un sapin miniature et une part des cadeaux. L’essentiel.

Le soir j’ai pas perdu le nord quand j’ai choisi le plat proposant “crème de potiron” à la carte. C’est pas encore l’hiver, pas encore l’hiver. L’automne a encore son mot à dire…

Samedi j’ai tremblé. Pas à cause du craquage sur un jean et un chapeau “années 40″ comme dit maman, à 12€ les deux. C’était le chapeau le plus cher. Non j’ai tremblé de prendre la route sans GPS en direction de la ville où je passai mon permis si si si si diffi-si-lement. Tu les entends bien siffler les sirènes ? Dans la panique je n’ai foiré qu’un bout des trois trajets. Une seule rue dans le mauvais sens, et après le concert j’ai suivi les panneaux, allumé la musique, et je suis rentrée apaisée.

Le concert c’était Eiffel, au Grand Mix, à Tourcoing et non pas Roubaix. On sentait la fatigue, d’une tournée dans leurs pieds, mais ça n’empêcha pas le groupe de sautiller comme le public alerte à lui rappeler qui on était. J’ai presque tout filmé, l’appareil en équilibre sur la barrière ce qui lui donne des yeux d’enfants question hauteur, derrière j’étais adolescente connaissant tous les textes par coeur, ma peau ravagée ces jours-ci presque pas maquillée, mes orteils engourdis se dandinaient quand même, le corps caracolant. J’étais adulte dans mes pensées : c’était La Flèche d’Or mais sans la chaleur, sans la sueur, moins de vieux titres, le plafond trop haut pour se sentir étouffer, les voisins trop éloignés pour que la foule se mouvemente. Mais l’ado renchérit que c’était bon, que c’était brut, que c’était Eiffel quoi. Qu’il fallait bien une limonade pour se remettre de la Chamade. Qu’il est bon d’atterrir, seule, à observer les gens sans les voir vraiment, à se ressentir fourmillante et prendre le temps. D’être dispersée. Et de se rassembler.


Dimanche, retour. (TGV Lille-Paris 9/12)

J’ai loupé le départ, place treize, encore, assoupie avant l’heure. Et le lever de soleil prévu se fait derrière les nuages… Déçue. Les voyageurs sont endormis dans le train du dimanche matin, mais je prends le clavier, les yeux demi-fermés, pour poser quelques mots. Pour dire que parfois oui, il vaut mieux rêver que d’écrire.

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